INQUIETUDES AUTOUR DU SAUMON NORVEGIEN

L’association norvégienne Green Warriors vient de transmettre à  l’excellent Rue89 les résultats catastrophiques de son étude sur l’impact environnemental de l’élevage du saumon, question ultra-sensible à Oslo…

Critiquer l’industrie du saumon est de très mauvais goût en Norvège. La pêche y est en effet  le troisième secteur d’exportation après le pétrole et le gaz.

Et la France est le plus gros importateur de saumon norvégien, l’essentiel de ce que nous consommons (dont 30% pendant les fêtes de fin d’année) vient des fjords de ce pays. Un marché multiplié par trois en vingt ans, qui pèse 416 millions d’euros annuels.

Derrière les vertus connues des Oméga-3 pour la santé, une autre réalité du saumon norvégien est bien dissimulée. Selon l’enquête de Green Warriors :

  • 10 à 20% des saumons d’élevage meurent dans les cages, du fait de la surpopulation, de malformations et de maladies ;
  • les études vétérinaires montrent que presque la moitié des saumons souffrent d’inflammation cardiaque, neuf sur dix de dépôts graisseux supplémentaires au cœur ;
  • les vaccins inoculés aux saumons provoquent des effets secondaires, comme des péritonites ;
  • les déchets alimentaires des fermes aquacoles s’élèvent à 7% – il y a donc 70 000 tonnes de restes rejetés en mer et qui sont ensuite mangés par les poissons sauvages à proximité.
Claudette Béthune, pharmacologue qui a travaillé pour l’organisme norvégien de sécurité alimentaire (le Nifes), avant de partir aux Etats-Unis, explique que « la présence de polluants tels que les dioxines et le PCB dans le saumon génère un risque de cancer, qui, pour les personnes jeunes, dépasse les bénéfices attendus du saumon sur la santé ».

Si les effets sur la santé humaine font l’objet d’une controverse scientifique, la catastrophe environnementale de l’industrie du saumon norvégien ne fait plus de doute. Un reportage diffusé sur France 3 l’an dernier a montré que l’aquaculture norvégienne n’avait rien à envier aux élevages de porc intensifs bretons : entassement des animaux, traitements aux antibiotiques, épandages nocifs pour l’environnement…

Le ministre français de l’Agriculture Bruno Le Maire, inquiet d’apprendre l’usage du diflubenzuron dans les fermes norvégiennes, avait écrit à son homologue, Lisbeth Berg-Hansen. Il s’étonnait que ce pesticide, ne disposant pas d’autorisation de mise sur le marché en Europe, soit utilisé pour lutter contre le pou de mer dans les élevages norvégiens.

Sur la notice de produit, il est clairement écrit qu’il est « très toxique pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets indésirables à long terme pour le milieu aquatique. Ne doit pas être utilisé à moins de 30 m des fossés de drainage, des ruisseaux, des barrages ou de grands plans d’eau ». Lisbeth Berg-Hansen avait tranquillement répondu à Bruno Le Maire que ce produit était légal dans son pays pour la lutte contre le pou de mer.

La Norvège ne cesse de se justifier auprès de ses pays-clients et qui lui demandent des comptes. Ainsi, en réponse aux demandes de l’Agence européenne de sécurité sanitaire, l’Institut norvégien de recherche sur la nutrition, les poissons et crustacés vient encore de répondre qu’après examen, le niveau d’arsenic trouvé dans le poisson était bien plus bas que ce que soupçonnait l’Europe.

Le gros problème est qu’aucune expertise indépendante n’existe. Et pour cause : la ministre norvégienne de la Pêche possède elle-même des participations dans des sociétés de pêche, à hauteur de plusieurs millions d’euros et nomme les directeurs des trois organismes publics censés contrôler l’industrie de la pêche (l’Agence norvégienne pour la sécurité alimentaire, l’Institut national de recherche sur la nutrition, les poissons et crustacés, et l’Institut de la recherche marine).

Sous couvert d’anonymat, un journaliste de la télévision norvégienne précise que « l’industrie piscicole et la politique sont très connectées, cela ne dérange pas vraiment les Norvégiens, et peu de journalistes enquêtent sur ces sujets. Après l’embargo russe, lié aux quantités excessives de cadmium et de plomb retrouvées dans le saumon, la Norvège a déjà des difficultés à exporter en Chine et aux Etats-Unis. Elle ne veut pas se priver du marché français ».

Kurt Oddekalv, président de Green Warriors, est le justicier vert qui a mené l’enquête avec les moyens du bord. Grâce à son mini sous-marin équipé d’une caméra (un temps confisquée par les autorités), il a pu filmer les fonds marins et constater leur dégradation ou eutrophisation. Une épaisse couche blanche l’a alerté : ce rejet, provenant des nutriments des fermes aquacoles, contamine les fonds marins (notamment avec du sulfure d’hydrogène) et chasse les saumons sauvages, lieux noirs et autres morues des fjords.

La contamination de tout ce qui vit dans les fjords autour des élevages est un gros sujet d’inquiétude pour les amateurs de nature en Norvège. Les nutriments donnés aux saumons des fermes s’échappent des immenses filets et terminent dans la bouche de la faune avoisinante.

Pour l’un des fondateurs (qui tient à rester anonyme) de Salmon Camera, une association qui commence à compiler les études scientifiques sur le sujet, c’est le principal sujet d’inquiétude : « Quand on pêche un poisson sauvage, on ne sait pas combien de jours se sont écoulés depuis qu’il a absorbé le diflubenzuron échappé des filets. Ce pesticide menace les crustacés, le plancton, toute la vie sauvage autour des élevagesPour le saumon d’élevage, il y a des contrôles, normalement les éleveurs attendent que les traces de ce pesticide disparaissent de leur organisme, mais ce n’est pas le cas pour le poisson sauvage autour ».

Avec les Green Warriors et le parti écologiste norvégien (qui n’est pas représenté au Parlement), ce pêcheur plaide pour un confinement des fermes qui éviterait qu’elles contaminent leur environnement. Tous demandent aussi des contrôles plus stricts sur la nourriture qui est donnée aux poissons.

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