Après l’automne 2011, désigné comme le deuxième plus chaud de France depuis 230 ans, l’année 2012 démarre avec un hiver exceptionnellement doux.
Des papillons qui virevoltent, des bourgeons qui pointent et des abeilles qui se promènent… Trompée par l’exceptionnelle douceur de ces dernières semaines, la nature s’affole. S’il serait hâtif d’y voir une preuve irréfutable du réchauffement climatique, la clémence des températures reste tout de même inhabituelle et a un impact sur la biodiversité et les cultures agricoles. La faune et la flore ne s’adaptent en effet pas assez rapidement à ces conditions climatiques.
L’hibernation tardive de certains animaux, le gazouillement des oiseaux ou encore l’apparition de fleurs printanières au mois de janvier sont les signes d’une douceur hivernale d’autant plus ressentie que l’hiver précédent était particulièrement rigoureux. Selon une étude du CNRS de Montpellier (Hérault), les animaux et les plantes devraient s’adapter à ces températures inattendues en remontant vers le nord pour y trouver des habitats naturels plus froids et plus appropriés, mais ils peinent à suivre l’évolution du thermomètre. En une vingtaine d’années (1990-2008), les températures moyennes ont augmenté en Europe d’environ 1°C, ce qui revient à un décalage des températures vers le nord équivalent à 249 km.
Les papillons affichent par ailleurs un « retard » d’environ 135 kilomètres par rapport à l’évolution des températures. D’après une étude du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, les oiseaux, eux, ont accumulé un retard de 212 kilomètres, ce qui montre « à quel point les changements climatiques réorganisent rapidement et profondément la composition de la faune en Europe, avec d’inquiétants décalages dans la réponse des différents groupes d’espèces ». Localement, les animaux sont déboussolés. Les espèces pondeuses par exemple sont déjà en situation de ponte, ce sans que quiconque puisse présager du devenir des œufs si le gel finissait par arriver.
« On a eu une période de froid, puis une période très douce. La nature a réagi comme si c’était le printemps », résume Bruno Philippe, membre de la société d’horticulture de Soissons (Aisne). Car si les animaux tardent à suivre la courbe des températures, la flore, pour qui l’hiver représente une période de repos végétatif au cours de laquelle les fleurs interrompent leur activité, s’adapte avec encore plus de difficultés à la douceur hivernale. A l’apparition précoce des bourgeons qui accroît le risque de gel et diminue la probabilité d’obtenir des fruits au printemps s’ajoutent les maladies, les parasites et les insectes, lesquels voient dans des températures plus élevées les conditions idéales pour se développer. Le froid hivernal tue généralement ces populations, ramenant ainsi un équilibre préoccupant entre la flore et les effectifs de nuisibles : des arbres fruitiers comme les cerisiers ou les pruniers, ont besoin de froid l’hiver pour que les hormones qui activent la floraison soient suffisantes.
En 1956, un début d’hiver très doux, suivi d’un des pires coups de gel qu’ait connu la France, a décimé les oliviers de Provence et des dizaines de milliers d’arbres en forêt. Dans les bois autour d’Aix-en-Provence, les spécialistes s’inquiètent de voir pointer les fleurs de pins, genêts et genévriers.
En dehors même du risque de gel, les plantes s’affaiblissent. Elles sont en pleine activité, alors même que l’activité solaire, elle, reste faible. Du coup, ces plantes puisent dans leurs réserves sans pouvoir les reconstituer grâce à la photosynthèse. Elles seront donc moins résistantes face à tout type de stress, aléa climatique ou attaque de parasite.
Côté apiculture, aux environs du mois de décembre, les abeilles forment des grappes et ne bougent presque plus. Cette année, les grappes ne sont quasiment pas formées et les abeilles sortent tous les jours sans pour autant trouver à butiner. Dès lors, elles se fatiguent et puisent dans les réserves qui sont censées leur faire passer tout l’hiver.
Bouleversant les habitudes des jardiniers amateurs et professionnels, la clémence de l’hiver préoccupe également les agriculteurs, qui ont déjà dû faire face à la sécheresse l’an passé. Bien que les cultures céréalières du nord de la France ne soient pour le moment pas menacées, les vignerons de Champagne-Ardenne affichent ainsi leur inquiétude vis-à-vis des vendanges à venir. S’il intervient avant le mois d’avril, le gel ne constitue pas un risque pour les viticulteurs qui constatent l’apparition de bourgeons sur leurs pieds de vigne, ce qui influence la qualité du vin. Plus sucré et moins acide, le nectar deviendrait plus difficile à équilibrer.
Difficultés de la biodiversité à s’adapter, bouleversement des cultures agricoles : autant de raisons qui incitent à considérer avec le plus grand sérieux ces « drôles » de températures hivernales.
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