« Les plombs déversés dans la nature, ne menacent pas seulement les anatidés mais toute la chaîne alimentaire et finalement la santé humaine ».
Hubert Reeves
Avec le mercure, et le cadmium, le plomb est l’un des matériaux les plus toxiques. Ce métal est connu pour être responsable d’une intoxication mortelle appelée « saturnisme ».
Or ce sont environ 250 millions de cartouches par an, tous tirs confondus (3/4 pour la chasse soit plus de 6.000 t/an de plomb (6500t/an et 1/4 pour le ball-trap soit plus de 2000 t/an).
La France a le triste record d’être le pays européen qui compte le plus grand nombre de chasseurs. Si chacun des 1,4 millions de chasseurs français ne tirait qu’une seule cartouche par an, ce seraient déjà près de 50 tonnes de plomb dispersées dans la nature soit plus de 450 tonnes sur 10 ans. Les 200 à 300 billes de chaque cartouche de chasse contiennent 30 à 35 grammes de ce poison. L’immense majorité des plombs de chasse ne finissent jamais leur course dans l’aile d’un canard chipeau ou sous le jabot d’une oie cendrée. La plupart des projectiles se retrouvent sur les berges ou coulent au fond des mares, des estuaires et des autres zones humides françaises.
L’exposition des oiseaux d’eau au saturnisme est un fait reconnu dans le monde. En effet, les anatidés, mais également certains rallidés (poules d’eau) et limicoles (famille des échassiers), ingèrent des plombs de chasse répandus dans les marais et s’en servent comme « grit », petits graviers qu’ils stockent normalement dans leur gésier afin de broyer leurs aliments. Des millions d’oiseaux meurent chaque année, toute la chaîne alimentaire est touchée. Une contamination de certains rapaces, se nourrissant d’oiseaux blessés ou ayant ingéré des plombs, est également démontrée.
« Avant qu’il ne devienne une réserve naturelle, le lac de Grand-Lieu, au sud de Nantes, recevait 4 tonnes de plomb par an », affirme ainsi Jean-Claude Lefeuvre, professeur au Muséum national d’histoire naturelle et auteur d’un rapport sur les données scientifiques à prendre en compte pour la chasse aux oiseaux d’eau et aux oiseaux migrateurs. Selon la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), 200 millions de grains de plomb, soit 18 tonnes, sont par ailleurs répandus chaque année en Camargue.
Cette munition est à l’origine d’une pollution durable des sols, car le plomb est non-biodégradable, ni dégradable…
Le 5 avril 2001, un groupe de travail mandaté par le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement a rendu son rapport (disponible ici) concernant l’utilisation de la grenaille de plomb de chasse dans les zones humides. Ce groupe de travail était composé de membres issus des chasseurs, des sociétés de tir, des industriels des armes et munitions, des associations de protection de la nature, du président de l’association des élus de zones humides, et des représentants des ministères concernés. Dans ce rapport, les membres de ce groupe de travail ont reconnu que :
- le saturnisme de la plupart des oiseaux d’eau, et particulièrement les anatidés, est avéré.
- l’utilisation de la grenaille de plomb à la chasse en est le principal responsable.
- la mortalité directe due à l’ingestion d’un seul plomb est faible. Elle est importante dès l’ingestion de trois plombs.
- la plombémie a un effet négatif sur l’acquisition et le stockage des réserves énergétiques, d’où une possible faiblesse des oiseaux devant reprendre la migration.
- la plombémie ne semble pas affecter la fertilité des mâles, mais réduit celle des femelles (taille des pontes corrélée négativement à la plombémie et diminution de la taille et de la masse des œufs).
Bien après certains autres états, la France semble prendre seulement conscience de ce problème, et encore à reculons. En Europe, l’interdiction du plomb dans les zones humides (étangs, rivières, marais, littoral) concerne aujourd’hui l’Angleterre, le Danemark, la Finlande, la Flandre belge, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède. La munition au plomb est totalement interdite aux Pays-Bas et au Danemark (depuis 2000). Les USA ont été le premier pays, en 1991, à interdire l’usage du plomb dans la chasse au gibier d’eau. Les chasseurs ont l’obligation, dans ces zones, d’utiliser des cartouches de billes d’acier, ou d’alliages à base de bismuth ou de tungstène.
Depuis 2001, rien n’a été véritablement été changé et les chasseurs continuent à se faire passer pour des « protecteurs de la nature » et continuent à déverser, sans aucun scrupule, le poison de leurs armes…
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