LE CHEVAL DE NIETZSCHE

C’est une anecdote célèbre. Le 3 janvier 1889, à Turin (Italie), le philosophe et poète Friedrich Nietzsche se jette, en pleurant, au cou d’un cheval de fiacre épuisé et brutalisé par son cocher. Il interdit à quelconque d’approcher avant de perdre connaissance. Après cet évènement, Nietzsche n’écrivit plus jamais et sombra dans la folie.

Peut-être que cet évènement ne dit-il rien d’autre que la folie d’un homme. Peut-être pouvons-nous y voir un grand philosophe de notre histoire absolument bouleversé par un animal qui souffre…

Apparue dans l’Antiquité, la question de la souffrance animale est aujourd’hui un sujet qui mobilise un grand nombre de personnes à travers le monde. Animaux d’élevage, animaux de compagnies, NAC (nouveaux animaux de compagnie), animaux dans les parcs zoologiques ou dans les cirques, et même animaux sauvages bénéficient désormais de protections qui, bien qu’elles divergent en fonction des catégories d’animaux et des Etats, convergent toutes vers la reconnaissance d’un droit : le droit de ne pas être maltraité.

Le droit français distingue deux grandes catégories d’animaux : les animaux sauvages d’un côté, et les animaux domestiques de l’autre, c’est-à-dire n’importe quel animal « détenu ou destiné à être détenu par l’homme pour son agrément. » Parmi les animaux domestiques, on trouve là aussi deux catégories : les animaux de compagnie et les animaux d’élevage.

Depuis une loi de 1976, le droit des animaux en France est guidé par trois grands principes : l’animal est un être sensible qui doit être placé dans des conditions de vie compatibles avec ses impératifs biologiques ; il est interdit d’exercer des mauvais traitements envers les animaux et il est interdit d’utiliser des animaux de façon abusive.

Les fondements de la prise de conscience de la souffrance animale et de la protection des animaux remonte à l’Antiquité et elle repose sur une dimension éthique. Elle renvoie à la question de la place de l’homme et des animaux dans le vivant. Cette question traverse toute la philosophie et s’interroge sur le fait de savoir si les animaux sont dotés ou non d’une conscience. Dans d’autres cultures, la question renvoie aussi au cycle des réincarnations.

Le philosophe Peter Singer donne dès 1975 avec son ouvrage La Libération Animale une nouvelle dimension à la prise de considération des animaux. Il l’aborde sous un jour utilitariste, c’est-à-dire en considérant que le but de la société et de l’éthique est de fournir « le bien être maximal pour le plus grand nombre », y compris les animaux puisque ces derniers peuvent aussi, comme les êtres humains, ressentir de la souffrance.

C’est à partir du XIXe siècle que les premiers grands mouvements de défense des animaux voient le jour avec la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals en Angleterre en 1824. En France, la Société Protectrice des Animaux (SPA) existe depuis 1845. À l’heure actuelle, ces mouvements se sont internationalisés. Ils fournissent des services comme l’accueil d’animaux abandonnés, l’adoption, les soins aux animaux blessés ou encore en militant en faveur de lois contre l’exploitation des animaux, la cruauté et la maltraitance.

Certains mouvements et certains militants versent dans des actions plus déterminées, parfois qualifiés « d’écoterrorisme », l’Animal Liberation Front et d’autres groupes sont ainsi classés comme terroristes ! Adeptes de l’action directe, ils n’hésitent pas à libérer des animaux emprisonnés.

Pratiqué notamment pour l’alimentation humaine (mais aussi pour les laboratoires médicaux, les cosmétiques ou encore la production de fourrures), l’élevage a pris au cours des dernières décennies des proportions industrielles qui sont pour l’heure difficilement compatibles avec le bien-être animal. Cochons, poules et poulets – pour ne citer qu’eux – sont entassés dans d’immenses hangars où ils ne voient jamais la lumière du jour et où ils ne peuvent quasiment pas bouger. Le Code rural et les directives européennes prévoient pourtant qu’ils doivent être placés « dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de leur espèces et que toutes les mesures doivent être mises en œuvre pour leur éviter des souffrances lors de l’élevage, le parcage, le transport et l’abattage » – l’étourdissement est par exemple obligatoire excepté pour l’abattage rituel. Enfin, les expériences biologiques médicales et scientifiques doivent quant à elles être limitées aux cas de stricte nécessité.

Changer ses habitudes alimentaires est une prise de conscience doublée d’un engagement personnel : certains régimes alimentaires peuvent être guidés par une volonté de boycott et de défense des animaux. Le végétarisme (régime alimentaire qui exclut la chair des animaux, y compris les poissons) et le végétalisme (régime alimentaire qui exclut tout produit d’origine animale comme le lait ou les œufs) s’inscrivent dans cette tendance, même si ces pratiques restent minoritaires en France où elles concernent à peine plus de 2 % de la population. Sans aller jusque-là, il suffit parfois de revoir certaines habitudes alimentaires pour déjà lutter contre la souffrance animale. En choisissant des œufs de poules élevés en plein air par exemple, ou en favorisant certaines filières plus respectueuses du mode de vie des animaux et qui sortent de ce que l’exploitation animale et l’élevage intensif ont de plus scandaleux.

Le Droit des animaux de compagnie mérite d’être réformé. En France, près de deux foyers sur trois possèdent un animal de compagnie et l’on estime à plus de 18 millions le nombre de chiens et de chats. Le droit français insiste sur le bien-être des animaux de compagnie et l’article 521-1 du Code pénalpunit sévèrement (2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende) le fait de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique ou de lui infliger des sévices graves. Le fait d’abandonner par exemple un chien sur la voie publique peut être assimilé à un tel acte de cruauté. Or d’après la SPA, la France est le pays européen où l’on abandonne le plus d’animaux de compagnie.

En France, des règles existent à propos des conditions de détention des animaux de cirque, mais seules quelques villes ont pris des arrêtés interdisant la présence d’animaux dans des cirques sur leur territoire. De nombreuses associations militent pour une interdiction à l’échelle nationale, à l’image de ce qui se fait à l’étranger, notamment en Amérique du Sud ou en Europe, où les interdictions d’animaux dans les cirques se sont propagées de ville en ville avant d’être adoptées au niveau national.

Les parcs zoologiques sont également soumis à une réglementation stricte, mais plusieurs rapports d’ONG ont pointé du doigt les nombreux zoos en Europe, y compris en France, qui ne se conforment pas à la réglementation européenne. Enfin, les peines prévues par le Code pénal français ne s’appliquent curieusement pas aux courses de taureaux ou aux combats de coqs lorsque ces pratiques relèvent de traditions locales. Les mentalités évoluent cependant puisqu’au mois d’août 2011, la Catalogne a décidé d’interdire la corrida.

La protection des animaux sauvages face à la souffrance concerne surtout les activités de chasse. Ces dernières sont au centre de vives polémiques entre les défenseurs de la Nature, qui les jugent cruelles et disproportionnées, et les chasseurs qui se présentent en garants de traditions et investis d’un rôle de régulation des espèces. En France, les animaux sauvages ne bénéficient pas de protection particulière puisqu’en vertu d’une notion de droit romain, ils sont considérés comme des Res nullius, c’est-à-dire qu’ils n’appartiennent à personne jusqu’au moment où ils sont chassés. Toutefois, les parcs nationaux et certaines dispositions légales offrent leurs protections à certaines espèces.

Ainsi, la réglementation sur la chasse distingue trois catégories d’espèces : les espèces protégées qu’on ne peut pas chasser et les autres pour lesquels la chasse est autorisée dont les espèces dites « nuisibles » qui sont soumises à des plans de chasse. La loi a interdit certaines pratiques de chasse comme l’usage des pièges à dents, mais les défenseurs de la nature appellent à l’interdiction d’autres types de pièges comme ceux à colle ou encore de la chasse à courre.

Défense des animaux et protection de l’environnement sont souvent associés. Pour autant, ils ne sont pas identiques. C’est pourquoi on oppose parfois les animalistes (défenseurs des animaux) aux environementalistes (un anglicisme qui désigne plutôt ceux qui se préoccupent d’avantage des écosystèmes). Certains défenseurs de l’environnement peuvent accepter que des groupes d’animaux soient tués pour respecter des équilibres écologiques. Ils vont par exemple encourager l’élimination des rats ou même des hérissons sur certaines îles qui hébergent des oiseaux protégés – les rongeurs sont responsables de plusieurs extinctions. A l’inverse, ils critiqueront certaines pratiques liées aux animaux domestiques, à leur entretien et à leur impact sur la planète. Les différences entre ces deux sensibilités sont assez floues et flexibles ; elles n’empêchent pas celles et ceux qui s’en réclament de se retrouver sur les questions principales de la préservation de la planète.

Ici au Relais du Vert Bois, tous nos amis à poils et à plumes sont « rois » et nous sommes particulièrement fiers de leur offrir une vie paisible à l’abri de tout stress inutile…

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